Natis, la cité pensive
Contient : tombeaux (5)(...) Dans le plus grand silence, la porte est refermée : abandonné à Tanis, le condamné, désormais un mort anonyme, est considéré par tous comme bel et bien défunt. Les Morts peuplent Tanis, vivant à l'ombre destombeauxle jour, et sortant la nuit. On ne trouve pas seulement des condamnés à mort, mais aussi des suicidés, et de petits Morts-nés descendants de Morts. (...)
Cela ne signifie pas que les Natiséens vivent dans la terreur des Taniséens ; d'ordinaire, ils vivent bien séparés, naturellement, mais entretiennent de francs rapports de voisinage. En échange d'offrandes régulières, les Morts veillent à la conservation destombeauxles plus riches et les gardent contre les voleurs. D'autres Morts vivent, si l'on peut dire, d'artisanat : ils sont spécialisés dans l'art funéraire, et leurs statues votives, bijoux, suaires, effigies mortuaires et autres sont connus dans tout l'Occident mystérieux. (...)
Ces Grands Morts dont on parle avec onction sont les véritables morts, ceux qui ne sont plus qu'os et pourriture dans les fosses et lestombeaux. Les Morts croient généralement qu'ils sont en état de transition, dans une sorte d'antichambre du Royaume des Morts. (...)
De plus, par ces temps impies, les offrandes funéraires de charité suffisent à peine : pour manger et boire son soûl, il faut s'occuper durant la nuit. Chaque Mort tâche de se débrouiller comme il peut. Les heureux gardiens de richestombeauxfamiliaux sont toujours vêtus avec dignité, ont un teint blafard des plus soignés et mangent chaque semaine des gâteaux au miel. (...)
Comme il faut bien que les offrandes viennent de quelque part, beaucoup entretiennent d'étranges trafics avec les vivants : ils commercent les richesses volées dans lestombeaux, échangent la poudre d'os, le salpêtre des stèles, les couilles des assassinés et bien d'autres horreurs avec les sorcières, ou encore fournissent aux apothicaires des cadavres pour leurs dissections. (...)Pour peu qu'il y passe une semaine, le voyageur, même le moins poète, ne tarde pas à sentir d'étranges nostalgies. Natis... Naguère l'orgueilleuse capitale d'un royaume chevauchant en maître Ménuzith, la Coralie et la Corbuzée, Natis n'est plus que l'ombre d'elle-même. Ses fiefs méridionaux ont été balayés comme châteaux de cartes par l'immense Urbis, les royaumes guerriers du Gandusran lui ont brisé les reins, la diplomatie vénéneuse de Zardonica a assoupi son cœur et l'a enchaîné... Les marchands ...