JdRP Aides de Jeu : Aventures "télévisées" : Les portes de l'audimat
(...) Le formidable potentiel de production des I étatsuniens, la tendance à tourner le regard vers l'Amérique et le faible coût à l'achat des séries en question les ont largement répandues sur les chaînes françaises. La Cinq, aujourd'hui disparue, en avait même fait son cheval de bataille, au point de ne diffuser les productions françaises imposées par le cahier des charges qu'au beau milieu de la nuit1 ! On peut se poser de nombreuses questions sur les raisons du succès des séries d'aventures américaines2, mais il apparaît bien vite que, dès leur conception, le but est de distraire et attirer le public. Audience est le maître mot; depuis les ori gines, toute émission TV n'est, aux Etats-Unis, qu'un support pour la publicité. Episodes et téléfilms sont conçus en fonction des coupures publicitaires qui, outre-Atlantique, sont bien plus nombreuses que chez nous. Les scénaristes américains ont donc développé un ensemble d'outils narratifs destinés avant tout à empêcher le spectateur de décrocher pendant les flashes de pub. Les séries TV constituent donc un monde bien par ticulier, avec ses règles et ses habitudes, où ni la répétition des intrigues, ni la superficialité des per sonnages ne sont un obstacle à la distraction du téléspectateur. Les clichés y abondent également, tant au niveau des personnages que des histoires. Dans combien d'épisodes a-t-on pu voir le flic ou le pilote déchu retrouver sa dignité, l'héroïno mane désireux de s'en sortir être victime de son dealer, ou le savant fou échouer à dominer le monde ? Dans les séries TV, tout est bon pour accrocher le public, et certaines n'hésitent pas à frapper en-dessous de la ceinture: violence, sexe et dépravation. (...)
La simplification - considérée comme indispensable pour toucher le plus grand nombre de gens - n'interdit ni la distanciation, ni l'humour, et les scénaristes n'hésitent pas à jouer avec les clichés et archétypes qu'ils manipulent. La variation sur le thème, qui est à la base de la plupart des intrigues, leur facilite d'ailleurs considérablement le travail. Univers de l'invraisemblance : Donc, on l'a vu, la crédibilité n'est pas le fort des séries TV Même les plus réalistes sont émaillées d'invraisemblances de toutes sortes, allant de la quantité de plomb ou de coups de poing néces saire pour se débarrasser d'un adversaire, aux multiples manières dont les personnages se tirent de situations sans issue (sans parler des séries parodiques, où tout ou presque est permis). La bande magnétique « qui s'autodétruira dans les cinq secondes » de Mission impossible, les bricolages insensés de MacGyver, les « analyses » politiques de Supercopter, les poursuites en voiture trépi dantes de Starsky et Hutch ou le niveau de vie des Deux flics à Miami ne sont pas plus crédibles que les inventions de Miguelito Loveless dans Les mystères de l'Ouest, les gadgets caricaturaux de Max la Menace ou les bruyants rodéos automobiles de Shérif, fais-moi peur ! Il n'y a d'ailleurs pas vraiment de limite entre réa lisme et parodie dans bon nombre de séries; seul le regard posé sur l'intrigue et les personnages fait la différence. On trouve certes bien moins d'invraisemblances dans Le fugitif, Kojak ou Les têtes brû lées que dans Chapeau melon et bottes de cuir, Amicalement vôtre ou Columbo, mais les contraintes du format - et notamment le rythme imposé par les coupures publicitaires - finissent toujours par engendrer des approximations et des raccourcis qui sapent le côté réaliste. Les incorruptibles eux-mêmes n'y échappent pas, malgré le souci du détail apporté à la réalisation3 : les gangsters s'y entre-tuent souvent trop facilement pour les besoins du scénario. De l'action, du suspense, de l'émotion : Bon nombre de séries TV reposent en fait sur un ensemble de recettes, héritées de la littérature populaire, du cinéma de série B et des soap operas, ces « mélos à épisodes », généralement sponsorisés par des marques de lessive - d'où leur nom - qui furent les chevaux de bataille des stations de radio dès les années 304. On pourrait également citer les comic-books, dont certains ont d'ailleurs été adaptés à la télévision : Superman, Batman, Wonder Woman, L'incroyable Hulk ou, plus récemment, Flash. Dans tous les cas, les scénaristes gardent l'oeil fixé sur la ligne bleue de l'indice d'écoute; un succès rapide est en effet indispensable à la continuation d'une série. (...)
Une action rapide permet en quelque sorte de gommer les invraisemblances du scénario, en ne laissant pas le temps au téléspectateur de les remar quer, entraîné qu'il est dans un tourbillon endia blé d'événements plus ou moins violents; Super copter, Agence tous risques ou Destination danger privilégient cet aspect. Le suspense bien maîtrisé et organisé fait passer la pillule des coupures publicitaires; comment pourrait-on changer de chaîne alors que le héros est suspendu par le petit doigt à l'aile d'un avion survolant l'océan? (...)
L'émo tion, enfin, sort en général tout droit des soap ope ras évoqués plus haut: personnages à la limite de l'hystérie, chaudes larmes, situations tra giques exacerbées... Certains épisodes de L'hom me de fer ou de Starsky et Hutch ont recours au mélo sans la moindre vergogne, accentuant l'aspect fourre-tout de la série TV « standard Le plus important, cependant, est le dosage. (...)
Alors, tant pour rééquilibrer un dosage mal adroit que pour « alléger » les aspects tra giques ou violents, les scénaristes ont recours à l'humour. La qualité de celui-ci importe peu, du moment qu'il détende l'atmosphère. Peu de séries parviennent à s'en passer : Les envahisseurs, Voyage au fond des mers ou Le fugitif en font partie. (...)
Entre ces deux extrêmes, on trouve toutes les variations possibles, de Starsky et Hut ch à Des agents très spéciaux, d'Agence tous risques à Amicalement vôtre. Ce qui nous amè ne à ce constat surprenant : plus la situation est désespérée, plus les héros de séries TV adorent plaisanter - un trait qu'ils ont en commun avec les personnages de comic-books. Magnum ou Mike Hammer sont de bons exemples de séries à la fois sérieuses et parodiques, où des intrigues parfois dignes d'une tragédie grecques5 se retrouvent traitées sur le mode ironico-goguenard. Tout le spectre des émotions s'y étale dans le plus grand désordre et, au bout du compte, le téléspectateur marche sans y croire vraiment, conscient d'être confronté à une histoire qu'on lui présente au lieu d'entrer dans l'intrigue. (...)
Fays ce que vouldras : Le titre de cette conclusion, emprunté à Rabelais6, résume fort bien la démarche des concepteurs de séries TV Tout semble en effet permis, pour vu que l'audience suive - et que la «bonne moralité » soit sauve. (...)
Ain si, Les mystères de l'Ouest mêlent avec bonheur western, espionnage, science-fiction et fantastique au hasard des épisodes; tandis que Chapeau melon et bottes de cuir pioche sans vergogne à gauche et à droite, sans autre logique que celle du rêve - ou du délire. (...)
Face aux contraintes multiples qui leur sont imposées par les producteurs et la sacro-sainte loi de l'indice d'écoute, les scénaristes et réali sateurs de séries TV se sont vus obligés de déve lopper des outils télévisuels propres. Bien que les composantes des outils en question vien nent en grande partie du cinéma et des autres médias populaires, leur association, étroite ment canalisée par la forme qu'imposent les coupures publicitaires, a créé un univers narratif nouveau et différent, qui possède ses propres codes et références. Paradoxalement, la rigidité du cadre a généré une forme de liberté inédite et des logiques neuves débouchant sur un foisonnement où coexistent le meilleur et le pire. (...)
« Tuer pour passer le temps » (NéO), de Fredric Brown, donne une idée assez exacte de ce qu'étaient ces soap operas primitifs. Toutes proportions gardées, naturellement! II s'agit de la devise de l'abbaye de Théléme. Les scénaristes de séries télévisées ont, au fil des années, développé une conception très particulière de ce que doit être une « aventure ». Leur objectif principal est de distraire le public par tous les moyens et leurs histoires sont rarement vraisemblables. Ainsi, on peut sérieusement se demander comment les deux flics de Miami peuvent rouler en voitures de sport et s'offrir des vêtements chics, avec un salaire de fonctionnaire. (...)
D'une façon générale on est également en droit de s'étonner de la 'maladresse' dont font preuve les méchants lorsqu'ils tirent sur les héros. De plus, il faut bien reconnaître que les séries qui manquent de rythme et de rebondissements durent rarement plus d'une saison. Vous aussi, en tant que meneur de jeu, vous devez privilégier l'action avant tout. (...)
Et si le scénario des pages suivantes vous a plu, n'hésitez pas à en créer d'autres, tout en veillant à toujours respecter quelques principes de base : N'oubliez pas de découper votre aventure en « chapitres » permettant l'insertion de spots publicitaires (voir « Structure de l'aventure » plus loin). Jouez à fond la carte de l'exotisme (de pacotille, si possible), mais ne faites pas de descriptions trop luxueuses ; les fonds de la chaîne sont limités. Essayez de glisser un peu de pub « clandestine » dans chaque épisode. Exemple : 'John Hallifax est tranquillement en train de lire le dernier numéro de Casus Belli, tout en buvant un verre de Koala Kola, quand soudain son ordinateur émet un « bip » indiquant l'arrivée d'une communication. (...)
' Vous devez tout faire pour que votre aventure soit logique et crédible, mais ne vous embarrassez pas trop de réalisme ; les scénaristes des séries télévisées n'ont pas le temps de s'arrêter sur les détails. Faites dans le mélo : semez vos aventures de belles veuves éplorées, d'orphelins geignards et d'ignobles crapules (le JR de Dallas est un excellent modèle pour ce type de personnage). Arrangez-vous pour que chaque partie se termine bien : l'audimat est un maître cruel et les scénarios d'aventure qui finissent mal chagrinent vite le public. N'oubliez pas la famille des personnages. La mère d'un personnage peut ainsi se retrouver à l'hôpital, alors que notre héros affronte les Pygmées au coeur de l'Afrique. Si vous avez cinq joueurs ou plus, il est obligatoire de prendre dans l'équipe de personnages au moins un représentant des minorités raciales. (...)
Comme vos joueurs ne sont certainement pas assez 'idiots' pour se comporter spontanément comme des héros de feuilleton, il est indispensable de donner un aspect parodique à vos aventures. On peut aimer la TV, sans pour autant perdre son sens critique. Modifications de règles Jamais plus mourir. (...)
Si tout le monde est dans le coma..., heu... évitez par tous les moyens que l'équipe entière se fasse décimer. Au pire, John Hallifax (le patron des héros) arrivera avec son hélicoptère blindé et ses quarante commandos pour sortir les personnages du pétrin. (...)
Structure d'aventure : L'aventure des pages suivantes est présentée sous la forme de plusieurs « chapitres » pour deux raisons : Il est plus facile d'enchaîner une suite de mini aventures que de créer une grande campagne de but en blanc. En tronçonnant chaque épisode, vous vous simplifierez le travail au moment de la création d'un « épisode » (« scénario » en langage de la petite lucarne). (...)
Rien ne vous empêche d'inventer un slogan de votre cru, mais vous pouvez aussi parodier les spots que vous voyez chaque jour sur votre petit écran. Quoi qu'il en soit, et quoi qu'en pensent les joueurs, les pauses publicitaires sont obligatoires ; sans elles, la chaîne ne pourrait pas vivre, alors... Variante : Vous pouvez aussi proposer à vos joueurs d'interpréter, chacun à leur tour, un spot publicitaire pour le produit de son choix. (...)
Evidemment, quand vous commencerez le chapitre suivant, ils auront peut-être un peu de mal à rentrer dans la partie, mais vous simulerez d'autant mieux le jeu « flou » de certains acteurs de séries télévisées... SCENARIO : Série TV. Le jour du Poisson volant : Attention, si vous êtes joueur, ne lisez surtout pas ce qui suit. C'est une aventure que vous allez peut-être jouer un jour. (...)
Cette fois le péril est bien réel, il s'agit de sauver le monde de la pire des maladies modernes. Le nouveau Groupe Phénix : Les personnages-joueurs (PJ) font tous partie d'un certain Groupe Phénix. Ce sont des agents secrets dont le chef, Maestro, n'a jamais été vu, et qui communique avec eux via un intermédiaire. Dans la précédente édition de Simulacres (hors-série Casus Belli n° 1), nous vous avions présenté le premier Groupe Phénix. Après quelques « saisons » encourageantes, la 'série télé' a dû être remaniée afin de s'adapter aux goûts des téléspectateurs et à des restrictions budgétaires conséquentes. S'il se situe toujours dans la tradition de séries telles que Agence tous risques ou Mission impossible, le nouveau Groupe Phénix propose une équipe rajeunie, plus orientée vers la technologie et les arts martiaux que la précédente. Ses aventures se veulent désormais plus « crédibles » (il faudrait que les scénaristes TV lisent un jour la définition de ce mot dans un dictionnaire. NdA) et influencées par l'actualité du monde réel. Les missions qui lui sont confiées vont de l'espionnage industriel (pour la bonne cause ! (...)
) à la protection du petit commerce, en passant par un soutien actif aux associations caritatives de toutes sortes. Le Groupe est soumis à l'autorité d'un certain John Hallifax, un bureaucrate anglais plus « british » que nature, qui tient lui-même ses ordres de mystérieux hauts fonctionnaires de la Communauté européenne pour lesquels la discrétion est une nécessité. Les épisodes de la série se caractérisent souvent par un humour un peu simplet (les joueurs ne doivent pas lésiner sur les calembours). Prégénérique (A lire aux loueurs) : John Hallifax - un moustachu assez corpulent vêtu d'un complet en tweed - est sur le point de se verser un verre de Xérès quand le téléphone de son luxueux bureau de Zurich retentit... 'Allô, « Sir » John ? - Hello ! John Hallifax speaking, à qui ai-je l'honneur? - Ici Bruxelles. J'ai un travail à proposer à vos amis. - Je vous écoute. (...)
Nous comptons sur vous ! Clic. Bzzzzzzzzz. - Well... hum. , . au revoir ! (En aparté) Damnés eurocrates...' Hallifax repose le combiné, puis se dirige vers le bar qui est aménagé dans un coin de son bureau. Il actionne un levier secret et un pan de mur coulisse pour révéler un énorme appareil couvert de lampes clignotantes. (...)
D'un doigt décidé, il enfonce un gros bouton rouge et penche son visage sur le micro de l'étrange machine. Gros plan sur ses lèvres : 'Hello, Groupe Phénix ?...' John Hallifax : 45 ans, 1,85m, 92 kg. Ancien noble anglais, ayant servi dans la marine de Sa Gracieuse Majesté, il a perdu son titre de Lord à la suite d'un esclandre à Buckingham Palace. Très 'Old England' (pensez John Steed), il a pris la tête du nouveau Groupe Phénix après une mission désastreuse en Irak. Nettement porté sur l'alcool depuis cette rmésaventure, Maestro le considère comme très compétent. (...)
Nous contacterons nous-mêmes les gouvernements et organismes susceptibles d'être intéressés par notre offre.' Peu après la parution des quotidiens, le lendemain, le Groupe Phénix reçoit un appel de John Hallifax : 'Well, hum, vous avez lu les news ? On dirait que vous avez un peu cafouillé cette mission... (...)
Vous devez réparer maintenant. QUICK ! La survie de notre organisation en dépend.' Comment enquêter : Dans les séries télévisées, les scènes d'enquête n'ont qu'un objectif : permettre aux acteurs de discuter avec d'autres acteurs, histoire de justifier leur cachet. Il est donc important pour vous de laisser les PJ se perdre en vains palabres avec des individus aussi pittoresques que possible, que vous incarnerez au mieux (policiers soupçonneux, journalistes en quête d'un scoop, etc. (...)
Séduite par la folie des grandeurs du professeur, elle a accepté de l'épouser et de le suivre en France après qu'il ait accepté de servir de 'prête-nom' pour la création d'une société contrôlée par la pègre nipponne (la Flying Fish). Au bout de quelques années, elle a fini par reprendre contact avec son oncle, qui l'a aussitôt chargée de gérer les intérêts des yakuzas en Europe. (...)
Les informations ci-dessous devront être obtenues séparément : Le professeur a vécu pendant près de vingt ans à Kyoto, au Japon. En 1975, il a créé dans ce pays une société, la Flying Fish International & Co, dont les activités semblent assez floues. Il a épousé sa femme en 1974 à Tokyo, au cours d'une cérémonie bouddhiste. (...)
S'ils veulent retoumer poser quelques questions à la veuve, ils apprendront que la maison de Neuilly a été vendue précipitamment et que la veuve est partie « à l'étranger »... - Le siège de la Flying Fish en Europe se trouve en Autriche, près de Salzbourg. Troisième acte : Nos héros n'ont pas le choix, ils doivent se rendre en Autriche pour enquêter plus avant sur la Flying Fish. Le siège européen de cette société est un entrepôt érigé en pleine campagne, non loin de Salzbourg. (...)
Nos héros bénéficieront toujours de circonstances extrêmement favorables, quoi qu'ils entreprennent. Dans l'enceinte de la Flying Fish : Le parc est entouré d'une clôture électrifiée. Autant dire que les PJ doivent être très prudents pour la franchir, et éviter d'encaisser 20. (...)
Sourds comme des pots et dotés d'une assez mauvaise vue (ils ne repéreront personne passant à plus de quatre centimètres d'eux sur le plan), ils disposent néanmoins de fusils à lunette assez précis. Caractéristiques : PMJ faibles, métier: tireur d'élite. Gadgets à gogo : Le Groupe Phénix est censé utiliser toutes sortes de gadgets plus ou moins vraisemblables. Parmi eux, le 'sac qui contient tout. (...)
. remplie de bandes dessinées (dont l'excellent Le Banni, de Marcel Coucho). Les gardes de la Flying Fish Malgré leurs cagoules noires et leurs allures de tueurs accomplis, les yakuzas de Christiane Chombier sont totalement stupides et incompétents. (...)
Conclusion : Si les personnages réussissent à circonvenir madame Chombier (duel Corps + Action + Humain ) avant qu'elle ne puisse employer son sifflet, il leur restera à emprunter le passage secret pour sortir sans problème de la Flying Fish... et de cet épisode. Dans le cas contraire, ils pourront quand même capturer la traîtresse et filer par le passage. (...)
Libre à vous d'organiser une poursuite en voiture dans la plus pure tradition des « serials » américains. Espérons que John Hallifax sera satisfait du résultat de cette mission ! Auteur: Jean Balczesak, Illustrations: Coucho. (...)